Chemins mal (voire pas) entretenus avec ronces, ornières... Chemins balisés qui se terminent dans un pré... Rien ne nous sera épargné. Comble de malheur, Moustapha, notre guide éclairé, sera mis au tapis pour le compte par un "coup de boule" d'Eliott, son cheval effrayé par... on ne sait toujours pas quoi. Nous arrivons donc, vaille que vaille, à Saint-Saulge, point de chute qui n'était pas prévu au départ, mais où nous retrouvons les 2 vans pour nous "rapatrier" à Lusigny (près de Moulins) et où Reina, la cavalière espagnole nous rejoint et entame, le lendemain, son périple avec les Cavaliers Sans Frontières par... une journée de repos parfaitement ensoleillée !
Lundi, départ sur les chapeaux de roue. Les pistes s'avèrent de bonne qualité. "Profitons-en pour avancer" lance Jean-Claude. Effectivement, il le sentait, ces bonnes pistes matinales n'étaient qu'un leurre dans cette Sologne toute dévouée à la chasse et aux chasseurs. La suite est moins gaie pour les randonneurs au long cours que nous sommes. Beaucoup de bitume nous est proposé pour contourner les chasses gardées, protégées par force barbelés, clotûres, barrières, cadenas, fossés... Nous arrivons à Gouise frustrés d'avoir effleuré une si belle région boisée avec tant de points d'eau sans pouvoir la pénétrer vraiment avec nos montures fringuantes.
Mardi 12 octobre, notre 28ème jour de rando débute sur le même cannevas que la veille : asphalte, tours et détours,... dans cette merveilleuse terre de l'Allier mais quelques indices (retour des cultures) nous montrent que de nouvelles chevauchées grandioses se profilent à l'horizon... où nous commençons à apercevoir les premiers contreforts du Massif Central.
Mercredi, de Sanssat à Le Vernet, nous coutournons Vichy et les ennivrants galops sur les vallons écrasés par les rayons brûlants généreusement distribués par le dieu Râ nous rapprochent inexorablement de reliefs plus importants qui signent notre entrée dans le Massif Central.
Jeudi 14, nous nous réveillons un peu éberlués par la douche froide qui s'abat sur nous. Allons-nous vivre notre 4ème jour de pluie ? Cela y ressemble fort, car même en retardant notre départ au maximum, nous devons malgré tout préparer nos chevaux sous une pluie abondante... qui s'arrêtera au bout d'un quart d'heure et... recommencera un quart d'heure avant d'arriver à Paslières (près de Thiers), terme d'une étape marquée par la panne de batterie de notre camion d'assistance et le coup de pied donné à Julie par Yago toujours très nerveux en fin de journée. Nous sommes très bien reçus par les tenanciers de l'hôtel-restaurant local après le coup de sang de Julie à l'encontre de Yago.
Trente nouveaux kilomètres, le lendemain, nous mèneront à Moissat (région de Clermont-Ferrand) au terme d'une étape marquée par la chute (sans séquelles autres que narcissiques) de Frank qui fera part de son infortune en téléphonant de son portable (gsm pour certains) à ses compagnons d'échapée qui ne s'étaient pas rendus compte de son absence à la fin d'un galop mouvementé.
Samedi 16 octobre, superbe journée qui s'est souvent déroulée à flanc de coteaux surplombants de larges vallées découvrant, dans le lointain, les sommets enneigés des Monts d'Auvergne sur fond de vendanges... en musique. Arrivés à Vic-le-Comte, nous contournons Issoires en transférant en van les chevaux étonnés de bénéficier, déjà, d'une journée de repos à Bergonnes tant ils "pètent" de forme(s).
Nous recommençons la nouvelle semaine avec "King", petit cheval rustique, très dynamique qui remplace "Lorian" , trop fragile pour un raid de cette envergure. Sabine, la compagne de Jean-Claude et qui nous accompagne durant quinze jours, le montera. Cette 34ème journée nous entraînera vers la moyenne montagne. La route s'élève. Les chemins nous amènent vers des sommets découvrants des vues panoramiques dévoreuses de pixels par milliers, milllions, milliards... Pierrot, de plus, nous a installé le camps sur un site paradisiaque sur les hauteurs de Ardes (Bos Morin) où Bruno, venu rejoindre sa bien-aimée Anita, nous régale d'un moule-frite festif (surréaliste). Nous faisons le plein de calories.
Mardi 19 , ces calories, nous les brûlerons toutes, jusqu'à la dernière... et bien au-delà. Etape dantesque que celle qui clôture notre cinquième semaine. Nous montons jusqu'à 1 300 m et sommes pris, deux heures durant, dans une tempête de crêtes que rien ne laissait présager au départ. Vent violent, pluie glaciale, brouillard, auront raison de nos cartes devenues illisibles et de notre boussole qui en a perdu le nord. Nous étions, à un moment donné, à 9km de l'arrivée, finalement, nous échouons à 15 km d'Allanches, à Apcher où nous appellons l'assistance au secours. Premiers pas dans la neige dans les Monts du Cézallier qui, nous l'espérons, n'augurent en rien ce que nous allons vivre dans les Pyrénées. Eole pensant nous avoir impressionné, il se calme et nous en profitons pour repartir de plus belle à l'assaut de ce Cantal qu'il avait déjà torturé lors de la tornade de '99.
Mercredi, belle journée mais nouvelle galère ! Retardés au départ par Yago qu'il faut referrer, ragaillardis par la bénédiction du curé d'Allanches, nous abordons une super journée par la beauté des sites traversés, par le nombre de kilomètres (40), mais aussi par la durée de notre chevauchée qui durera jusqu'à la nuit tombée et nécessitera donc un nouveau sauvetage à La Salesse (Paulhac) où le fermier qui nous héberge produit un excellent Cantal à l'ancienne (un des rares encore fabriqués dans une gerle en bois).
Jeudi 21, les chevaux et nous bénéficions d'une journée courte (20km) pour récupérer des efforts des journées précédentes. La valse des fers commence. C'est "Indien"qui reçoit une nouvelle paire de pantoufles avant de partir pour Lanau (à 5 km de Chaudes-Aigues) où Pierrot nous attend le long de la Truyère. Frank, malade, ne monte pas et Jean-Claude va chercher l'aliment pour les chevaux. Il fait très très chaud. C'est "l'été indien", l'automne dans toute sa splendeur et déjà le dernier jour avec Reina qui nous quitte pour retrouver Valencia. Nous pleurons son départ autour d'un feu de camp, en chansons, champagne. Il a plu la nuit et les chevaux qui n'apprécient guère la visite de sangliers venus déloger ces envahisseurs venus du nord nous le font savoir bruyamment sur fonds de brâme des cerfs qui surveillent la vallée.
Démarrage en force en direction de Requistat en Cantal : nous remontons un affluent de la Truyère les pieds (de nos destriers) dans l'eau, franchissons des barbelés, et escaladons un dénivelé imposant dans la brume matinale qui s'efface doucement pour nous dévoiler un somptueux plateau vallonné : l'Aubrac, qui s'éveille, radieux, et délivre à profusion des panoramas que nous dégustons jusqu'à l'ivresse. La vigilance reste toutefois de mise et la concentration revient instantanément quand on se rend compte, en traversant une pâture, qu'elle est déjà occupée par un magnifique taureau Aubrac soucieux de l'intégrité de son territoire ou par des chevaux en mal de sensations avec des congénères de passage. L'après-midi, la valse de fers reprend : Horace entre dans la danse et Yago l'imite. La pierre est omniprésente sur ces chemins. Travaillée depuis des centaines d'années elle se présente sous forme de croix, ponts, clotures, murs et toits des habitations, nous remémorant que des gestes millénaires ont façonné ces paysages en harmonie avec la nature pas toujours facile à domestiquer. Le berger de Réquistat nous reçoit tout sourire, au sommet de la colline où paissent ses moutons : images de rêve, coucher de soleil et clair de lune... troublés par l'annonce du retrait de Moustapha qui décide d'arrêter le raid, au grand regret de chacun tant son travail tout en efficacité, gentillesse et discrétion à été apprécié de tous. Nous espérons qu'il reviendra sur sa décision mais nous rendons compte que des aménagements doivent être apportés à notre manière de fonctionner pour pouvoir continuer dans un esprit de plus grande solidarité et compréhension entre "pros" et amateurs.
Samedi 23 octobre, un peu groggy mais en même temps remis en selle par les décisions de la veille nous repartons ferrés de neuf. Nous aurions pu rentrer avec une monture de plus dans l'écurie : un jeune cheval se sentant un peu seul dans son enclos décide de se joindre à nous en... sautant au-dessus de sa barrière, provoquant une belle diversion pour nos chevaux surpris par tant de détermination. De magnifiques pistes vertes nous conduisent à la station de ski de Laguiole encore fermée. Nous sommes très bien reçus par Yves Combet au centre équestre de Bozouls.
Nous en avons terminé ainsi avec le Masssif Central et entrons de plein pied sur les terres aveyronnaises qui ont vu naître notre raid. Nous sommes ici arrrivés à la moitié de notre périple. Nous nous réjouissons de vivre et de vous faire partager la suite de notre rêve qui se concrétise avec ses joies surtout, ses peines parfois mais surtout la farouche volonté d'aller un bout.